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Photo du rédacteurClaire Markovic

Dans les rocheuses partie 1

Je pensais que l’été, j’étais plus une fille de plage. Maillot de bain salé, cheveux qui blondissent progressivement, sable sur les mollets toute la journée. J’ai déménagé au Canada, et l’ambiance générale n’est pas au cocktail délayé à la flotte à la paillotte du coin. Entre un premier séjour dans l’ouest canadien il y a un peu plus de deux ans, les fins de semaine dans des chalets québécois, les randos de la Sepaq et les forêts du Pacific North West aux Etats-Unis, j’ai dû me rendre à l’évidence : je suis extrêmement privilégiée d’une part, et d’autre part, je préfère mille fois les sentiers caillouteux aux coquillages des littoraux.

J’ai une condition physique de blob qui va avec mon leitmotiv général : le sport, c’est juste quand ça me fait plaisir. Doooonc, pas souvent. Le vélo pour aller au marché, les randos avec les amis, le yoga quand la neige tombe dehors. Et pourtant, d’année en année, je développe une affection particulière pour les matière confort qui autorisent le mouvement en liberté, les imprimés à carreaux et les chaussettes en laine pour un confort de marche optimal. La trentaine frappe fort, I know. Fin août 2020, voici les sentiers de rando et les excursions sublimes qui sont compatibles avec une condition physique pas ouf mais pas trop naze que nous avons eu la chance de parcourir avec Guillaume.

DEPUIS REVELSTOKE

Levés tôt – mais pas crazy tôt – on quitte notre petite cabane pour se rendre à 7h à la Modern Bakeshop de Revelstoke et emporter avec nous cafés et nos sandwiches pour le midi. Meilleure idée de la vie en entier, tout simplement, car ils avaient le goût de la nourriture des anges..

On arrive au premier stationnement du début du trail que nous avons choisi, Eva Lake Trail, un sentier d’une quinzaine de kilomètres aller/retour. On est parmi les premiers sur place, et l’employé du parc nous avertit que des grizzlys se baladent tranquillement autour du chemin en ce moment même, et nous enjoint donc à la prudence, s’assurant que nous portons bien du bear spray avec nous.

Le bear spray s’achète dans des coopératives d’équipement de montagne, ou bien comme nous l’avons fait, au Canadian Tire. Considéré comme une arme, il est enregistré au nom de la personne qui l’achète et est numéroté. Bien utilisé, et en dernier recours, il permet d’aveugler momentanément un ours qui aurait décidé d’attaquer ; autant dire qu’on était content de l’avoir, mais qu’on espérait ne jamais avoir à s’en servir.

A l’entrée du sentier, un autre panneau conseille de se déplacer en groupe d’au moins 4 personnes, toujours dans l’optique de décourager une éventuelle attaque de grizzly. Belle ambiance pour Guillaume et moi, juste nous deux et nos sacs à dos Quechua, appétissant de tout le gain de poids du confinement. Histoire de rassurer un peu : les attaques d’ours sont rares, les décès encore plus, et en gros, ce qu’ils veulent c’est être tranquilles et manger leurs baies pépère. Pour éviter les mauvaises surprises, il faut juste signaler sa présence en étant bruyants.

en route vers la première rando

Eva Lake trail, tout début

Mi-rassurée quand même, j’ai choisi de hurler au lieu de parler. En très peu de temps, on atteint des prés fleuris avec vue sur les sommets au-dessus des nuages. Quelques heures et quelques côtes plus tard, la récompense est sublime. C’est le moment de sortir les sandwiches et les pommes ramenées d’Okanagan, prêts à déguster, assis sur nos rochers, en regardant les poissons tout fins émerger de la vase du lac.

Eva Lake

Le bilan : une rando parfaite en terme de difficulté, un soleil qui a laissé une empreinte à mi-front pour Guillaume, pas de grizzly en vue, et la garantie de respecter le 2 mètres de distanciation physique avec une fréquentation ridiculement basse du sentier !

L’après-midi, de retour à Revelstoke, on se prend une bière avec vue sur les montagnes et on poursuit le coucher de soleil rose fluo à grands coups d’appareil photo. Il est déjà temps de remballer la valise, demain matin on roule toujours en Colombie-Britannique, en direction de l’Alberta et ses parcs dingolitos.

GLACIER NATIONAL PARK

Dans l’esprit assumé de vouloir reproduire le succès de la veille, nous v’là de retour à la boulangerie des sandwiches des dieux des sandwiches afin d’emporter avec nous le sésame précieux, la récompense ultime des heures passées à suer dans des paysages tarés. Un train de marchandises nous barre la route pendant un quart d’heure, et puis c’est le moment pour les montagnes de défiler en une procession intense.

A l’entrée du Glacier National Park, un peu plus de voitures de randonneurs venus s’essayer pour la journée. Le nombre de sentiers est également plus élevé. On se décide devant le panneau pour le Asulkan Valley Trail, 13.5km aller/retour en se disant “chouette, c’est une distance comme on les aime, pas trop pas trop peu, faisons-ça!”. BON. C’est un sentier difficile, et ça, on s’en rend compte alors qu’on est déjà bien engagés. Au début du sentier, même avertissement, une maman grizzly et ses deux oursons ont été aperçus quelques jours avant sur le sentier et semblaient curieux des randonneurs engagés sur le chemin. Le challenge supplémentaire, c’est que nous sommes les premiers de la journée à emprunter ce trail : personne devant nous pour se faire croquer les mollets en prems. Je passe mes cordes vocales en mode nuisance extrême, bien décidée à passer les 7 prochaines heures à m’égosiller pour conserver la vie. Les premiers kilomètres cheminent dans les bois, puis au bord de la rivière, et très tôt, la vue sur les glaciers est impressionnante. On a l’impression d’entendre des grognements à chaque virage, mais les seuls animaux que l’on verra sont une marmotte adepte de la bronzette, un porc-épic à peine planqué, et quelques tamias cutes.

pénible

marmotte qui pose

Le soleil commence à taper fort, et c’est là que le dénivelé de l’enfer décide de pointer son nasique. Eh oui ! La quasi totalité des 950 mètres de dénivelé se passent sur les 2 derniers kilomètres. On marche sur une crête qui surplombe la vallée, mais qui se trouve tout de même en deçà d’un quasi-cirque de glaciers. Wow. A un moment, sur la crête large d’1m50, et avec un dénivelé qui se poursuit, je décide que c’est l’heure de manger un sandwich avec vue et d’arrêter le massacre cardio-non-entraîné.

vue de pause-dej, c’est mieux que d’habitude sur la cour intérieure de la rue St-André

Après le champignon-brie-pomme complètement maboule, on rebrousse chemin et on ne ménage pas nos genoux. L’avantage, c’est qu’on ne néglige pas nos yeux, jamais habitués au spectacle. Je me félicite de l’effort fourni, mais voilà qu’on croise des ENFANTS si JEUNES qui randonnent comme s’il n’y avait plus jamais école (pas si loin de la réalité guys), et je les jalouse avec mon faciès rouge. Après jenesaispluscombien d’heures, on est de retour au début du trail, une ranger du parc nous informe que d’autres grizzlys ont été aperçus par des randonneurs, mais pas sur notre sentier. On repart, mi-déçus, mi-rassurés de ne pas encore en avoir vu. Dans un monde idéal, je verrais de joyeux ursidés gambader dans les prés fleuris de l’autre côté de la rivière, et ils n’auraient aucune envie de venir nous chatouiller les pieds.

Bilan : difficile mais magnifique, la vue vaut le flip, et l’euphorie les ampoules.

Et là, sur le côté de la route, alors que nous roulons vers la prochaine destination, surprise, un grizzly ! Pas le temps de prendre une photo, on est sur la route. On a juste de le temps de le garder en mémoire, imposant avec son poil argenté.

On sort de la transcanadienne au niveau de Golden, pour une nuit étape. A savoir : on a acheté, avant de partir, un pass à l’année valable pour les parcs nationaux du Canada, indispensable ne serait-ce que pour arrêter sa voiture sur le bas-côté de la route à l’intérieur des parcs. Un coup d’oeil rapide à ce qui nous attend demain nous confirme que l’on n’est pas prêts de se lasser d’autant de beauté.

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